" Qui casse paie." On nous l'a dit et répété quand nous étions enfants pour nous inciter à respecter les affaires des autres. Nous avons trouvé que c'était juste et logique donc nous y avons cru. Nous avons eu peur des accidents que nous pourrions provoquer et nous avons souscrit à des contrats d'assurance-responsabilité civile pour nous protéger du risque.
Pour certains métiers, la crainte confine à l'obsession, il suffit d'évoquer le montant des primes payées par les chirurgiens. Plus généralement, avant d'avoir gagné le premier centime en exerçant votre activité, il faut commencer par débourser de quoi vous offrir le droit de travailler.
En réalité, nous étions bien timorés. Le risque de casser est une peur de pauvre.
Devenez riche, insolemment riche, et vous ne serez plus responsable, vous pourrez casser, salir, détruire sans que personne ne vous réclame rien. On vous grondera, vous serez montré du doigt mais vous n'aurez rien à débourser.
Vous ne me croyez pas ?
Imaginez : vous détenez un gros stock de résidus pétroliers de mauvaise qualité, vous avez toutes les peines du monde à trouver acquéreur. Le jour où un client se présente, vous lui faites un prix, trop content de voir disparaître le fardeau, mais, pour convoyer la marchandise, à ce prix-là, il faut trouver un transport "low cost".
Et ça tombe bien, un bateau pour voyageur pas difficile vous en avez un sous la main. Il est bien un peu (et même beaucoup) délabré, l'équipage est pour le moins disparate, une vraie Tour de Babel, mais il ne faut pas espérer une Ferrari pour le prix d'une deux-chevaux à la casse.
Content d'avoir résolu votre problème, vous expédiez vos déchets empoisonnés sur le tas de ferrailles.
Au premier pépin, sans surprise, le soi-disant pétrolier se transforme en Radeau de la Méduse et tous les funestes déchets enduisent des kilomètres de côte.
L'opinion est scandalisée. Vous êtes fort poliment convoqués devant la justice en compagnie de vos complices (propriétaire et certificateur du tas de ferraille) et là, miracle (!) on vous gronde, le juge déclare sévèrement que vous êtes coupables mais que vous n'aurez pas à indemniser les victimes.
Il vaut mieux détruire toute une côte qu'érafler une peinture avec la pédale de son vélo.
Vous vous rappelez la fable du savetier et du financier, elle est toujours de saison. La justice sait être douce pour les puissants comme elle est dure pour les faibles.
Robert Berthelot 31/03/2010 10:55
Robert Berthelot 31/03/2010 01:52
Tipanda 31/03/2010 10:24